La folie des années 80 : 1983, l’année de la pop et de Michael Jackson (Episode 3)
Les médias francophones publics vous font remonter le temps. Partez à la découverte d’une décennie haute en couleur qui aura marqué l’Histoire. Une série de huit épisodes qui vont feront vivre ou revivre la folie des années 80’.
1983. Léopold III, Hergé et Louis de Funès nous quittent. Le bourreau nazi Klaus Barbie est arrêté en Bolivie, et en Pologne, l’opposant au régime communiste Lech Walesa remporte le prix Nobel de la Paix.
Et sur les radios et TV du monde entier, on ne parle que d’un seul homme, un certain Michael Jackson.
C’est Thriller
Le 2 décembre 1983, les écrans de télévision sont pris d’assaut. Michael Jackson, le roi de la pop, vient de révolutionner le monde de la musique. Il diffuse pour la première fois le clip de son tube » Thriller « , sorti l’année précédente. Une vraie bombe.
Il faut dire que les clips musicaux sont à la mode. En 1981, on a même lancé une chaine de TV uniquement dédiée à leur diffusion, MTV. Comme le dit la chanson, » La vidéo a tué les stars de la radio « . L’industrie musicale est chamboulée, car pour devenir une star, il faut maintenant bien passer à la TV, si possible en maillot de bain, au bord d’une piscine de Californie. Le physique, surtout des femmes, devient essentiel, tout comme le style et les coiffures, y compris pour les hommes.
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Le 6e album de Michael Jackson est une pépite à tubes, et il se vend comme des petits pains. 66 millions d’exemplaires dans le monde, c’est un record absolu, inégalé. Jackson n’a que 25 ans. En 1981, un film d’horreur fait sensation dans les cinémas : Le loup-garou de Londres. Le roi de la pop se dit alors qu’il aimerait bien faire un clip qui ressemble à ça pour sa chanson phare de l’album, qui lui donne d’ailleurs son nom. Il contacte le réalisateur, John Landis, et ensemble, ils font ce que beaucoup considéreront comme le meilleur clip de tous les temps.
Car ce n’est pas seulement une succession d’images qui mettent en avant un morceau, un » scopitone « , mais c’est une œuvre cinématographique à part entière. Il fait près de 13 minutes, le budget du clip est colossal, on travaille comme sur un plateau hollywoodien, il y a un scénario à suivre, des acteurs, du maquillage poussé. Et surtout, surtout, une chorégraphie qui va entrer dans la légende.
Loups-garous, zombies et monstres se déhanchent sur les rythmes endiablés de la musique mythique, et surtout sur les postes de télévision. Le succès est inouï, et d’autres artistes, partout à travers la planète, se mettent en tête d’imiter la star.
En France, on va suive le mouvement. Plein de cinéastes vont se mettre à faire des clips. On pense à » Pull marine » d’Isabelle Adjani qui est l’un des premiers, fait par Luc Besson. […] On ne pense plus la musique, dans les années 80, sans de l’image.
Et parmi les clips les plus remarquables, évidemment, Mylène Farmer s’inscrit vraiment dans cette nouvelle mode-là, cette nouvelle tradition. Elle va aller au-delà du simple clip […] elle va créer des petits films. (Mathias Goudeau)
La publicité devient également plus importante, plus cinématographique. L’esthétique de l’image naît réellement dans les années 80, et permet toutes les folies. Car la décennie sera aussi celle de l’excès.
Sexe et provoc’
Et qui de mieux, en France, que Serge Gainsbourg pour représenter tous les excès ? L’homme est devenu un personnage en lui-même, et il ose tout. Brûler un billet de banque en plein direct ? Pas de problème. Déclarer grossièrement son appétence sexuelle à Whitney Houston devant des millions de téléspectateurs ? Il le fait. Ses frasques font parler, et les paroles crues de ses chansons également. Au point de provoquer la censure.
La parole s’est certes un peu plus libérée, on parle plus souvent de sexe. Et on chante souvent le sexe, comme le fait Georges Michael dans « je veux ton sexe » ou Lio qui sous-entend des pratiques dans « Banane split « . On le montre aussi, comme la chanteuse Sabrina dans le clip de » garçons garçons garçons » qui laisse échapper un sein de son maillot de bain ou Mylène Farmer qui le suggère de manière plus raffinée.
La musique devient sulfureuse, provocatrice. Mais s’il y en a une qui excelle dans ce domaine, c’est bien sûr Madonna. Elle montre une lascivité, mais elle prend le pouvoir. Madonna, c’est probablement du Girl Power avant l’heure, car elle décide ce qu’elle fait et ce qu’elle montre de son corps, de sa sexualité. Aucun homme ne la manipulera, la star fait ce qu’elle veut.
Le cinéma aussi est touché par cette vague de libération sexuelle et érotique. On se souvient par exemple du fameux » 9 semaines et demie « . Le culte des corps fait entrer la dance dans le champ du sexy, avec » Sale danse » ou » Danse éclair « . Ce voyeurisme décomplexé est bien entendu très masculin. Ce sont les codes qui plaisent aux hommes que l’on montre à l’écran. Ce sont bien souvent les jolies femmes qui sont nues.
Les rois de la pop
Mais les années 80, c’est aussi l’explosion des genres musicaux : la new wave, le hip-hop, la dance, l’electro, le rap et la pop. Et dans la pop anglophone, ce sont bien Michael Jackson et Madonna qui règnent en maître et maîtresse de l’industrie musicale. Jackson vient pourtant de la soul, c’est un chanteur noir américain qui s’identifie comme tel dans sa communauté. C’est avec l’album » Thriller » qu’il va verser dans la pop, celle qui parle surtout aux blancs.
Michael Jackson, c’est un peu le dieu suprême de l’Olympe de la pop, un pharaon qui vise l’immortalité. D’autres vont tenter de l’imiter, mais vont s’y casser les dents. Mick Jagger par exemple, qui veut quitter les Rolling Stones et le rock pour lancer sa carrière solo, sans succès.
La pop pénètre aussi l’hexagone : Étienne Daho, Rita Mitsouko, Desirless qui sont un savant mélange de pop et de variété, et l’incontournable quatuor Jean-Jacques Goldman, France Gale, Michel Berger et Daniel Balavoine qui font de la pop avec une note rock. Durant toute la décennie, ils se partagent la place du numéro un des tops français. Ces artistes modernisent la chanson française comme on ne l’a plus fait depuis Brel-Brassens-Barbara.
La décennie de la pop culture japonaise
Les clips musicaux ne sont pas les seuls à régner sur les téléviseurs. Les années 80 marquent l’apparition d’un tout nouveau genre : les animés. Les émissions pour enfants et ados, comme Club Dorothée, envahissent le petit écran. Et avec elles, une kyrielle de dessins animés, dont beaucoup sont originaires du Japon : Candy, Goldorak, Capitaine Flam, Bioman, Les chevaliers du Zodiaque ou encore Dragon Ball Z. L’heure de gloire des mangas ne fait que commencer.
Mais l’influence du Japon ne s’arrête pas aux dessins animés. Le pays va aussi s’emparer du marché du jeu vidéo. Des jeux vidéo qui deviennent de vraies intelligences artificielles grâce à des algorithmes qui permettent une interaction avec les joueurs.
Mais la véritable révolution du jeu vidéo, c’est qu’il ne se limite désormais plus aux bornes d’arcades dans les cafés, il entre directement dans les foyers. Maintenant que de plus en plus de gens ont des ordinateurs personnels, ils peuvent jouer depuis chez eux.
Séduites par ce concept, les sociétés vont commencer à développer des consoles uniquement conçues pour jouer aux jeux vidéo depuis son canapé. Désormais, vous pouvez jouer aux aventures de Donkey Kong sur votre console Nintendo autant de temps que vous le voulez, de chez vous.
Mais en 1983, le jeu vidéo connaît une crise importante. C’est le crash du jeu vidéo, entraîné par Atari, le leader mondial, qui subit des pertes conséquentes. Plusieurs sociétés font faillite. C’est alors qu’un petit plombier italien moustachu va venir sauver une princesse, et avec elle tout l’univers du jeu vidéo. Mario sort en 1985 sur la NES, la console de Nintendo. Le succès est phénoménal, jusqu’à aujourd’hui. Le gameplay, la jouabilité, est totalement réinventé. Le jeu est agréable à jouer, le personnage interagit avec son environnement avec seulement quelques touches de manette. Même l’utilisation de la machine est ultra-simplifiée.
Pour les enfants des années 80, démarrer un jeu vidéo sur un PC, il fallait connaître du langage informatique. Il fallait des bases de programmation pour pouvoir démarrer le jeu. Alors que là, on arrivait, on plaçait une énorme cartouche en plastique dans une boîte en plastique raccordée à la TV, et on se retrouvait avec un pistolet, à tirer sur des canards tels un chasseur, à batailler dans un jeu de boxe, ou a courir dans tous les sens avec Mario et sa bande. L’immédiateté était toute autre. (Gilles Banneux)
Il faudra attendre la fin de la décennie pour connaître une nouvelle révolution. En 1989, Nintendo sort la Game Boy. Dorénavant, votre jeu vidéo se met dans votre poche, vous pouvez jouer à Tetris au parc ou à l’arrière de votre voiture. Et il ne s’agit là que de l’une des premières de ces nombreuses révolutions qui vont émailler le domaine du jeu vidéo jusqu’à nos jours.
Une série réalisée par Cécile Poss et Marion Guillemette.
Avec les interventions de :
Gilles Banneux – journaliste spécialisé dans le jeu vidéo
Yves Bigot – directeur général de TV5 Monde
Bernard Dobbeleer – journaliste spécialiste des musiques des 20e et 21e siècles
Mathias Goudeau – coauteur du documentaire » La véritable histoire des stars des années 80 «
Dick Tomasovic – professeur de cinéma et des arts audiovisuels à l’ULiège